Ce qui semblait encore il y a dix ans une niche réservée à quelques consommatrices alternatives est aujourd’hui en passe de devenir une nouvelle norme. Les culottes menstruelles, ces protections lavables intégrées dans une lingerie du quotidien, se démocratisent dans toutes les tranches d’âge. Réelles avancées pour certaines, simples curiosités pour d’autres, elles soulèvent une réflexion plus large sur la gestion des règles, le confort féminin et l’impact environnemental de nos choix intimes.
L’essor d’une nouvelle habitude
Le cycle menstruel accompagne en moyenne une femme pendant 40 ans de sa vie, soit près de 500 cycles. Gérer ces périodes de façon confortable et sereine est donc loin d’être un sujet secondaire. Pourtant, la plupart des protections jetables sont restées les mêmes depuis des décennies. Ce sont souvent nos mères, voire nos grands-mères, qui nous ont transmis l’usage des serviettes et des tampons comme un automatisme.
La culotte de règles, elle, propose une nouvelle approche. Pas de gestes à répéter toutes les 3 ou 4 heures, pas de déchets à jeter, pas de stress lié à l’oubli d’une protection dans son sac. On la porte comme une culotte classique, avec la promesse d’une absorption efficace et discrète. Ce confort simple explique sans doute l’adhésion rapide de nombreuses utilisatrices.
Ce qui séduit les utilisatrices
Les témoignages sont unanimes : la première chose que l’on remarque, c’est le confort. Plus besoin de gérer un adhésif qui se décolle ou un tampon qui assèche. La culotte menstruelle épouse le corps, ne bouge pas, ne gratte pas. Elle permet aussi de mieux ressentir son flux sans l’angoisse de la fuite. Cette reconnexion, paradoxalement très discrète, change la relation que l’on entretient avec ses règles.
Autre point fort : l’adaptabilité. Les marques comme Fempo ou Sisters Republic ont multiplié les coupes, les niveaux d’absorption, les tailles et les designs pour convenir à toutes les morphologies et tous les modes de vie. Certaines culottes peuvent être portées jusqu’à 12 heures d’affilée. D’autres sont spécialement conçues pour le sport, la nuit, ou les tout premiers cycles chez les adolescentes.
Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les culottes menstruelles ne sont pas réservées aux flux légers. Grâce aux textiles techniques utilisés, certains modèles peuvent contenir l’équivalent de trois à quatre tampons.
Un choix écologique… mais pas parfait
Chaque année, ce sont environ 45 milliards de serviettes et tampons qui sont jetés dans le monde. En France, une femme utilise entre 10 000 et 15 000 protections au cours de sa vie. Ces déchets, composés de plastique, de coton blanchi, de colle et d’emballages, mettent des centaines d’années à se dégrader.
Face à cela, la culotte menstruelle apparaît comme une alternative durable. Utilisable pendant plusieurs années si elle est bien entretenue, elle permet de réduire considérablement son empreinte environnementale. Certaines utilisatrices estiment qu’en cinq ans, elles ont évité de jeter plus de 1 000 protections.
Mais il serait simpliste de penser qu’il s’agit d’une solution totalement verte. La fabrication nécessite de l’énergie, des matières premières (souvent issues de l’industrie textile synthétique), et les modèles bon marché produits à bas coût peuvent poser des questions éthiques. D’où l’importance de privilégier des marques transparentes sur leur processus de fabrication, la composition des tissus, et leur engagement social.
Une réponse à des attentes multiples
Ce qui frappe, c’est la diversité des femmes qui adoptent la culotte menstruelle. Adolescente en quête de simplicité, mère débordée, cadre hyperactive, femme ménopausée utilisant encore des protèges-slips… toutes trouvent dans ce produit une réponse à un besoin spécifique.
Pour les plus jeunes, c’est souvent une entrée en douceur dans la gestion de leur cycle. Pour d’autres, c’est une manière de ne plus dépendre de la pharmacie du coin ni de devoir anticiper en permanence ses règles. Enfin, pour certaines, c’est un outil de réappropriation corporelle, voire de guérison symbolique après des expériences douloureuses (endométriose, accouchement compliqué, violences gynécologiques).
Il y a aussi une dimension silencieuse mais réelle d’autonomie : pouvoir choisir une protection qui nous ressemble, que l’on comprend, que l’on maîtrise. C’est moins une “mode” qu’un changement culturel discret mais profond.
Vers une nouvelle norme ?
Le développement des culottes menstruelles s’inscrit dans un mouvement plus large : celui de la visibilisation des règles, longtemps dissimulées, banalisées ou euphémisées. De plus en plus de marques, d’influenceuses et de médias abordent ce sujet avec sérieux, et les mentalités évoluent.
En France, certaines collectivités locales distribuent déjà gratuitement des culottes menstruelles dans les lycées ou les universités. Des campagnes de sensibilisation sont en cours pour accompagner les adolescentes dans ce changement d’habitudes. Et des médecins gynécologues commencent à les recommander comme alternative plus douce pour les muqueuses sensibles.
La route est encore longue : toutes les femmes n’y trouvent pas leur compte, certaines restent fidèles à d’autres méthodes, et les prix peuvent freiner les foyers les plus modestes. Mais la dynamique est enclenchée. Et elle est portée, surtout, par les usages réels plus que par les discours marketing.
Finalement, derrière ce simple morceau de tissu, c’est une nouvelle façon d’aborder le corps, le cycle, la santé et la consommation qui se dessine. Une approche plus libre, plus consciente… et, peut-être, plus douce.